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Le Tome 9 de Djinn vient de paraître et déjà Jean Dufaux, scénariste intarissable, planche sur la suite des événements. Il clôt ici le chapitre Africa, plus charnel, plus sulfureux, et partira dans le tome 10 à la conquête des Indes. Après une dizaine d’années de collaboration, Ana Mirallès et Jean Dufaux ne montrent pas le moindre signe de lassitude. |
« Je peux prendre mon verre de vin ? » Ana Mirallès se prête volontiers au jeu de l’interview et semble avoir du temps devant elle. Elle aime partager, raconter son travail, sa passion. Jean Dufaux, un brin moins avenant derrière son humour pince-sans-rire, est au final tout aussi disponible et affable. La libraire de la Fnac vient de leur apprendre que les ultra-collectors de Djinn n°9 se sont arrachés et que les collectors suivent le même chemin. Même s’ils disent « ne jamais parler des chiffres », forcément, ça fait plaisir.
Des secrets de la réussite, ils en ont plusieurs. Le premier, c’est un sens développé de l’écoute réciproque. « Il faut une entente très profonde pour arriver à quelque chose d’intéressant », confirme Mirallès avec son délicieux accent espagnol. « C’est toujours la bonne idée qui gagne », répond, en écho, Dufaux. « Le tout, c’est que ce soit bien une fois que c’est terminé, et ça, c’est à vous de le juger ! »
Dans ce cycle africain de Djinn, il a surtout fallu trouver un équilibre autour de la condition féminine. « C’est un itinéraire sensuel et érotique. Kim est soumise et plusieurs fois Ana m’a appelé en disant ‘Qu’est-ce que c’est que ça ?’. Mais cette violence amène à sa quête vers l’esprit. C’est l’histoire d’un cœur qui se met à battre doucement. » On pourrait alors s’imaginer que pour une femme, dessiner une telle aventure relèverait de la gageure. Ana Mirallès tente de tout respecter à la lettre, même si elle « pense forcément comme une femme puisque [j’en suis] une ! Après la lecture, j’ai plein d’idées. J’essaye d’attacher mon imagination (sic) et puis je fais des suggestions. » L’arbre-maison du Roi Gorille, c’est son idée.
Trop d’idées ou pas assez de cases ?
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Pour une série qui dure, Jean Dufaux adopte quelques clés, quelques « formules magiques », comme il dit. « Tout est travaillé au départ, mais je me laisse des portes ouvertes. Ana vient avec des éléments et je m’adapte : j’enlève des pièces, j’en rajoute, et ça va dépendre aussi du découpage. » Fort d’études de cinéma, Jean Dufaux sait l’importance du cadrage et du rythme dans la bande dessinée. « L’écriture qui passe par l’image a besoin d’une technique de découpage et de montage. Ça ne se voit pas mais j’essaye toujours d’alterner les séquences douces et violentes. » Et l’arbitrage est nécessaire devant la multitude d’idées et d’options qui vont se présenter au cours du processus créatif. Pour l’un comme pour l’autre d’ailleurs. Ana : « Scénariste et dessinateur, c’est pareil : tu ne peux pas mettre dans la case tout ce que tu as dans la tête et avec Djinn, c’était très difficile. Beaucoup de costumes, beaucoup de paysages, il fallait sans cesse créer quelque chose d’original. Ça demande beaucoup de travail. » Si Jean Dufaux a promis de limiter les décors lors du cycle des Indes (« juste un temple énorme »), il entend toutefois conserver le style qui le caractérise. |
Un style qui oscille entre doutes et certitudes, entre fragilités des personnages et action brute. « Il faut mettre des passerelles entre les deux. Et c’est des respirations que vient le style. Avec du style, vous pouvez plaire ou ne pas plaire, mais au moins, c’est votre style. »
Texte et photos : Sébastien Ruffet
Djinn, Tome 9, Dargaud