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Les préoccupations des bluesmen guerriers touaregs de Tinariwen sont les nôtres. À l’occasion de leur concert à Strasbourg dans le cadre du Festival des Artefacts. échange épistolaire avec Ibrahim Ag Alhabib. leader charismatique du groupe. |
La poésie prend bien des détours. on la rencontre parfois désirable au coin du feu. en plein désert malien. Les bluesmen touaregs de Tinariwen la taquinent du bout de leur guitare ; avec tact. ils tentent de la séduire. mais si elles se refusent à eux. ils n’insistent pas et la laissent tranquille. Il faut dire qu’ils ont appris. dans la douleur parfois. le prix du sacrifice et aujourd’hui si la Terre entière leur ouvre les bras. ils se souviennent des temps difficiles où ils maniaient autant la Kalachnikov que la Stratocaster.
Adulés par Robert Plant. qui retrouve chez eux l’essence même du blues. ces poètes guerriers touaregs nous livrent un nouvel opus à un moment où les tensions sont ravivées au nord du Mali. dans la région de Kidal. dont ils sont originaires. Aucun apaisement possible sur ce disque sur lequel s’exprime de manière très contrastée le sentiment de révolte contre les menaces qui pèsent sur l’identité de leur peuple. mais aussi sur l’humanité toute entière. Tinariwen nous le rappelle avec une intégrité désarmante. L’eau est ton âme (“Aman Timan”. le titre de l’album). elle est notre âme à tous. notre vie et un combat à mener pour les décennies à venir.
« Le message du peuple tamashek correspond aux besoins de tous. dans notre monde actuel. »

Aujourd’hui. les rock-stars tels que Robert Plant ou Thom Yorke affirment s’inspirer de votre musique. comment recevez-vous leurs attachement à Tinariwen ?
Pour nous. c’est une grande surprise et cela nous donne du courage pour la suite.
Vous avez enregistré ce troisième album à Bamako avec Justin Adams qui joue avec le Strange Sensation de Robert Plant. Un mot sur cette collaboration ?
Nous connaissons Justin Adams depuis 2001. Nous l’avons rencontré grâce à nos amis LO’JO lors du 1er festival au désert à Tin Essako dans le Nord du Mali. Il a participé à l’enregistrement de notre 1er album The Radio Tisdas Sessions. Justin connaît très bien notre musique et nous pouvons travailler avec lui en toute confiance.
Nous avons le sentiment qu’en donnant des concerts à travers le monde. vous avez pris conscience que les problèmes que rencontre votre peuple s’inscrivent dans un cadre plus global.
Oui. effectivement. nous continuons de prendre toujours plus conscience que le message du peuple touareg que nous diffusons avec notre musique correspond aux besoins de tous. dans notre monde actuel.
De manière plus générale. les paroles de votre album partent toujours de situations vécues. douloureuses souvent. mais ont une portée universelle. Est-ce le propre de la poésie que de s’adresser au plus grand nombre ?
C’est certainement le rôle de la poésie. très pratiquée dans notre vie quotidienne au désert. Mais pour la musique. cela semble encore plus évident et c’est un très bon moyen pour diffuser la poésie et faire naître l’imagination chez tous.
Vous évoquiez la poésie que vous essayez autour du feu. Quelle est la part d'improvisation dans la composition des morceaux ?
Les morceaux. donc les arrangements entre poésie et musique. sont improvisés. puis à force de répétitions nous trouvons toujours de meilleures adaptations. Certaines poésies ne sont pas encore développées. on les laisse donc tranquilles…
Vos chansons révèlent l'existence de la culture touarègue. Une manière également de maintenir vivace la langue tamashek. une langue malheureusement ignorée ?
Nous défendons naturellement notre culture. notre langue. Il faut savoir que nous avons aussi notre propre alphabet. le Tifinagh. une langue écrite très ancienne.
Quelles sont les relations que vous entretenez avec les autres groupes touarègues. Tartit et Toumast qui ont sorti de très beaux disques l’an passé ?
Pour nous. Tinariwen. Tartit. Toumast. c’est une même famille…
Propos recueillis par Emmanuel Abela / Photos : Thomas Dorn
Dernier album : Aman Iman. AZ
Site : http://www.festival.artefact.org/2007- Tél : 03 88 237 237